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jeudi 4 janvier 2018

Le Désordre et la nuit - Gilles Grangier (1958)


Albert Simoni est le propriétaire de L'Oeuf, boîte de nuit parisienne aux activités interlopes. Une nuit, il est mystérieusement assassiné, et l'inspecteur Valois est chargé de l'enquête. Il fait alors la rencontre de Lucky, jeune toxicomane, avec laquelle il passe la nuit...

Le Désordre et la nuit est le second film en commun de Jean Gabin et le réalisateur Gilles Grangier (après une première collaboration sur La Vierge du Rhin (1953) dont la réussite entérinera leur fructueuse association (une douzaine de film dont les populaires Le Cave se rebiffe, Gas-oil, Le Rouge est mis, Archimède le clochard, Le Gentleman d’Epsom…). C’est également le film de la rencontre entre Jean Gabin et Michel Audiard par l’entremise de Grangier, le scénariste/dialoguiste devenant également un collaborateur indissociable de la seconde carrière de Gabin.

Tous ces talents sont donc au service d’un film noir singulier. La fatalité typique du genre semble frapper tous les personnages dans des choix discutables. Ces passions semblent se manifester (comme le titre du film le résume si bien) dans le cadre essentiellement nocturne du récit, une atmosphère où toute réflexion, prudence et demi-mesure s’estompent pour un abandon périlleux. L’introduction nous y prépare en illustrant symboliquement cette atmosphère par les danses de cabaret frénétiques et tribales, puis par les différents conflits sentimentaux qui s’amorcent et conduisent au meurtre d’Albert Simoni (Roger Hanin). Ainsi tous les personnages sont marqués par des fêlures qui se révèlent en amont (les problèmes d’alcool et la solitude de Gabin évoqués par ses supérieurs avant son apparition effective), éclatent dans toute leur noirceur ave la toxicomanie de Lucky (Nadja Tiller) où s’inscrivent dans le coup de théâtre finale pour la pharmacienne suspecte jouée par Danielle Darrieux.

En confrontant leurs maux à cette nuit interlope et oppressante, chacun des héros basculent dans un abandon inconsidéré qui les détache de leur fonction, environnement ou milieu social. La surprise est ainsi grande de voir Gabin (tout en maintenant sa persona bourrue et dure  cuire) tomber amoureux d’une suspecte junkie et prostituée, cette dernière par sa nature autodestructrice et la fange où elle se perd contredisant ses origines aristocratiques. Finalement la résolution policière importe peu (et sera prétexte à une même réflexion de cette perdition passionnée et nocturne quand le coupable sera démasqué) et si l’ambiance du film peut par intermittence évoquer Razzia sur la schnouf de Henri Decoin (1955), la profonde humanité et empathie qu’amène Gilles Grangier emmène le film vers autre chose que le seul polar. 

L’ivresse des cabarets ou les néons de la ville sont des leurres dans lesquels se perdre, les ruelles désertes et les chambres d’hôtel sinistres ramènent à la douloureuse solitude. La fragile romance entre Valois ((Jean Gabin) et Lucky éclaire tout cela par intermittence, mais la lumière du bonheur possible n’est qu’un espoir entraperçu dans les évocations de la fameuse maison de banlieue, le jardin et le cerisier bien loin de ces nuits interlopes et dangereuses. Les dialogues de Michel Audiard savent se faire percutants tout en soulignant cette mélancolie ambiante, l’auteur ayant mis de côté l’aspect purement jubilatoire de ses saillies qui aura cours notamment dans Le Cave se rebiffe. Belle réussite !

Sorti en bluray et dvd zone 2 chez Pathé

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