Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 24 décembre 2017

L'Emploi - Il posto, Ermano Olmi (1961)

Un fils d'ouvrier de la province lombarde passe, en compagnie d'une vingtaine d'autres candidats, le concours d'entrée d'une grande entreprise milanaise. Garçon de courses, puis aide-concierge, il prend ensuite, à la faveur du décès de son titulaire, un obscur poste d'employé de bureau. Il s'enferme alors dans la solitude et la grisaille de la vie bureaucratique.

Second film d’Ermano Olmi, L’Emploi endosse une dimension autobiographique et annonce les thématiques et protagonistes types de sa filmographie à venir. Olmi débute dans le documentaire dont il signe une quarantaine de productions industrielles dans l’entreprise Edisonvolta où il travaille. L’entreprise se situe à Milan, grande ville de Lombardie l’ayant amené à s’extraire de sa banlieue de Treviglio. Ce parcours fait figure de note d’intention dans le texte qui introduit le film :
Pour les gens qui vivent dans les petites villes et village de Lombardie, Milan signifie surtout un emploi.

Après Le temps s'est arrêté (1959) où il suivait un vieil ouvrier et un étudiant,  Olmi s’applique à nouveau à dépeindre des travailleurs dans leurs environnement mais cette fois en se rattachant à une expérience plus personnelle. Au départ c’est le fossé entre la banlieue et la grande ville de Milan qui parle, de par le milieu modeste jurant avec le luxe de la ville, le cadre mortifère s’opposant à l’agitation urbaine, la distance pour passer de l’un à l’autre avec ce long trajet en train à côtoyer la faune matinale des travailleurs pour le jeune Domenico (Alessandro Panseri). Notre héros est en route pour postuler dans une grande entreprise milanaise où parmi d’autres candidats, il va passer une série d’examen. La dimension morne du milieu professionnel asse déjà par le cadre austère mais aussi les tests rébarbatifs qui annoncent les tâches ennuyeuses qui suivront l’embauche. Dans cette sinistrose, Olmi accorde pourtant une merveilleuse respiration à Domenico avec les moments partagés avec Antonietta (Loredana Detto) une autre candidate. Durant la pause de midi puis sur le chemin du retour, échanges complices, découvertes de l’autre et exploration de cette immense Milan. 

 Le cadre aliénant de l’entreprise va pourtant étouffer cette romance naissante. Ce sera d’abord le lieu de la déception pour Domenico plus enjoué à l’idée de retrouver Antonietta (montant les marches plutôt que prendre l’ascenseur durant une scène) que par le la perspective de son premier jour d’embauche. Cet allant vire peu à peu à la mélancolie, Olmi montrant Domenico s’éteindre quand les entrelacs de l’entreprise rendent Antonietta d’abord invisible, puis inaccessible. La segmentation la rattache à un cercle qui l’oblige à l’observer de loin en compagnie d’autres hommes de l’entreprise, puis façonne un fossé « social » quand il la revoie et qu’elle est dactylo alors qu’il n’occupe qu’un poste de coursier. Il n’y a pas de réel rejet mais la construction même du monde professionnel est une conséquence de cette distance. Olmi crée d’ailleurs quelques apartés où il capture la solitude d’employés anonymes dans leur quotidien pour rendre cette mélancolie plus universelle et renforcer la dimension du final.

Le ton du film est très particulier, mortifère par son austérité, ses plans fixe et ses cadrages emprisonnant les employés/personnages. Parallèlement se dégage une drolerie, des moments absurdes et kafkaïens qui annoncent le Playtime de Jacques Tati (1967). Mais tout cela s’inscrit dans la veine documentaire d’Olmi qui trouve le ton juste entre réalisme, mélancolie et humour à froid. Tous ces penchants s’articulent au mieux durant la séquence de la fête d’entreprise où Domenico espère en vain rencontrer Antonietta, sombre dans la déprime avant de se laisser aller à la festivité ambiante avec l’énergie du désespoir. Le final ramène douloureusement au statut de pion gravissant les échiquiers de la petite ambition ordinaire et condamné à l’ennui. Une réussite singulière qui sera récompensé du Prix de la Critique internationale au Festival de Venise en 1961. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa 

 

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