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mercredi 15 novembre 2017

Japanese Girls Never Die - Azumi Haruko wa yukue fumei, Daigo Matsui (2016)


Haruko, une jeune employée de bureau au quotidien morose disparaît et son avis de recherche est repris par des street-artists, son visage est désormais peint sur tous les murs de la ville. Un mystérieux groupe de lycéennes non-identifiées se met à attaquer des hommes apparemment par hasard. Ces séries d’évènements s’entrecroisent, Haruko en serait-elle le lien ?

Dans ses mœurs quotidienne, son modèle de société voir même dans ses fantasmes sexuel, la société japonaise s’avère profondément machiste et patriarcale. Cet état fut été scruté de diverses manières dans l’histoire du cinéma japonais : feutré, dramatique et étouffante dans les classiques de Ozu ou Mizoguchi, racoleur ou vindicatif dans le cinéma d’exploitation selon qu’on se place du côté du pinku eiga ou du film de vengeance façon La femme Scorpion. Avec son troisième film le réalisateur se place au croisement de ses approches réalistes et/ou stylisé pour traiter du machisme du Japon contemporain à travers le destin de plusieurs jeunes femmes.

La narration éclatée livre toute les clés dans une scène d’ouverture en kaléidoscope ou diverses scènes livrent tous les moments clés à venir du récit. Par la suite malgré une construction plus linéaire le montage agence toujours certaines séquences de façon décalée qui crée une étrangeté suspendue captivante dans sa temporalité – les avis de recherche de Haruko (Yu Aoi) parallèles à sa présence effective créant une tension quant au moment de sa disparition. L’histoire dessine donc des situations ordinaires critiques pour ses deux héroïnes subissant ou se soumettant à cet ordre machiste. Haruko est une trentenaire au quotidien morne d’employée de bureau tandis que la plus jeune Aina (Mitsuki Takahata) vivote après l’obtention de son diplôme. L’infantilisation inhérente à la femme japonaise est mise en parallèle à travers le traitement infligé par leur entourage (Haruko traitée comme une enfant par ses parents par ses parents chez qui elle vit toujours) ou par leur propre attitude maniérée (la tenue et les attitudes kawaï d’Aina). 

Leur caractère et tout simplement leur féminité les plie instinctivement à ce joug masculin notamment dans les amours. Chacune des deux jeunes femmes représentent une transition, une consommation passagère pour les hommes qu’elles aiment. Matsui filme d’ailleurs les scènes d’amour à travers ses figures féminines en demande. Ce sera de façon anxiogène durant l’étreinte dans une maison abandonnée pour Haruko et son amour de jeunesse, et plus coquine pour Aina mais cette manière de s’offrir les places en situation de faiblesse. Leur construction intime leur fait espérer le grand amour pour des hommes indignes quand la nature profonde de ses derniers (et ce quels que soient leur tranche d’âge voir les patrons libidineux d’Haruko) les amènera toujours à viser un fantasme, toujours plus jeune et docile.

Le film escamote pourtant ces relents sinistres par sa constante soif de liberté. C’est là qu’interviennent les fulgurances pop portées par ce montage éclaté, les errances nocturnes où la ville s’orne des dessins de graffeurs en herbe. Là encore pourtant le regard de Matsui est double. L’art des graffeurs exploitent encore symboliquement la femme en faisant de la reprise stylisée des avis de recherche d’Haruko un instrument de réussite masculine. Parallèlement ces mêmes nuits tisse une liberté et un art vivant plus extrême où de jeunes lycéennes passent à tabacs des salarymen amateur de très jeunes filles. A la lenteur, pâleur et désespoir du réel des journées se substituent un déluge de couleurs, de ralenti et d’effet dans ce déchaînement girl power nocturne. Toutes les amorces de scène abrégée où biaisée par le réalisateur laissent ainsi voir une signification plus positive qu’il n’y parait au départ. 

La narration morcelée affirme en fait le cheminement vers la liberté des deux héroïnes se perdant d’un monde d’artifices et de d’(é)illusion nocturnes (magnifique retrouvailles finale dans le parc) vers un jour plus chargé d’espoir et de liberté. C’est par la cinglante note d’intention pop que le réalisateur exprime le mieux sa volonté avec une séquence animée splendide de hargne et de virtuosité puis un affrontement en lycéenne et policier qui renvoie aux plus belles heures de la pinky violence des 70’s et possible influence de Matsui. L’émancipation sera pop ou ne sera pas ! 

Visible actuellement au festival du cinéma indépendant japonais Kinotayo 

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