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mardi 21 février 2017

L'Aveu - Summer Storm, Douglas Sirk (1944)

En 1919, le comte Volsky, un vieux noble russe aujourd'hui désargenté, vient porter à la maison d'édition dirigée par Nadena Kalenin, qui a pris la succession de son père, un manuscrit en échange de quelques roubles. Cette dernière, ayant connu autrefois Volsky et malgré la répugnance que lui inspire le personnage, accepte de le lui prendre. Restée seule, elle hésite à le feuilleter. Mais le nom de Fedor Petroff, ancien juge d'instruction de province, qui semble être l'auteur du texte, attire son attention. En effet, sept ans auparavant, elle devait l'épouser. Peu à peu, au fil des pages, elle découvre l'horrible vérité sur la vie de son ancien fiancé...

L’Aveu est le second film hollywoodien de Douglas Sirk mais constitue un vrai projet personnel puisque le réalisateur envisageait déjà en Allemagne cette adaptation d’un roman d’Anton Tchekhov. C’est une période d’assimilation au système hollywoodien pour Sirk qui le conduira à la grande période des mélodrames Universal des années 50. En attendant, il se démène dans des productions moins nanties et/ou constituant de délicieuses curiosités en regard de son œuvre à venir comme l’excellent Scandale à Paris (1946). L’Aveu par son sujet et le traitement qu’en fait Sirk l’éloigne de l’imagerie des mélos technicolor flamboyants auxquels on l’associe, tout en s’inscrivant dans une veine plus intimiste souvent en noir et blanc d’œuvres poignantes et sobres comme All I desire (1953) ou Demain est un autre jour (1956) - l’équilibre entre grand élans romanesques et tonalité feutrée se trouvant dans Tout ce que le ciel permet (1955) et La Ronde de l’aube (1958).

Dans la Russie désormais communiste de 1919, le manuscrit de Fedor Petroff (George Sanders) se retrouve entre les mains de son ancienne fiancée et nous replonge dans un drame vieux de sept ans. Fedor alors juge d’instruction de province, tombe sous le charme de la vénéneuse et ambitieuse paysanne Olga (Linda Darnell). Les inégalités de cette Russie encore tsariste se révèlent sous diverses formes. La frivolité et la désinvolture des nantis envers les démunis s’incarnent à travers le comte Volsky (Edward Everett Horton) où de la femme de chambre à trousser au contremaître moqué Urbenin (Hugo Haas), les pauvres ne sont que sources de soumission et d’amusement. 

Cette cruauté culmine lors de la scène de mariage d’Urbenin et Olga qu’accueille dans une fausse magnanimité Volsky, le vrai but étant de s’amuser de la promiscuité entre ses amis nobles et la plèbe. Cela crée dès lors des comportements tout aussi extrême chez les pauvres, la détermination d’Olga d’échapper à sa condition étant sans failles. Si cette lutte à tout prix contre le dénuement est au cœur de l’œuvre de Tchekhov, elle rejoint aussi les thèmes de Douglas Sirk puisqu’Olga préfigure en plus néfaste l’héroïne noire de Mirage de la vie (1959). Seul Fedor semble doté d’un vrai sens moral mais c’est le désir fiévreux d’Olga qui le perdra jusqu’à une trahison et sordide acte passionnel.

Formellement nous sommes loin du lyrisme que déploiera par la suite Sirk. Cela est certes une question de moyens mais pas que. Le rythme et l’atmosphère renvoient à une production européenne plus qu’hollywoodienne dans le décorum austère et même lors des étreintes entre Fedor et Olga, tout érotisme et sensualité étant réduits à leur plus simple expression – une comble avec la présence d’une Linda Darnell. C’est comme si la noirceur d’âme des personnages empêchaient toute imagerie éclatante même pour nourrir le drame. 

L’équipe du film en grande partie composée de migrants germaniques est pour beaucoup dans ce ton singulier : Seymour Nebenzal producteur européen emblématique (M le maudit (1931) de Fritz Lang, Loulou (1929) et L’Atlantide (1932) de Pabst…) installé aux Etats-Unis ou encore le directeur photo Eugen Schüfftan (des petites choses comme Les Nibelungen (1924), Metropolis (1927) ou Quai des brumes (1938) au C.V.). Le scénario de Douglas Sirk avec l’ajout d’un prologue et épilogue dans la Russie bolchévique dessine à la fois des avancées (la fiancée accédant à un haut poste d’éditrice) et un point de non-retour chargé de noirceur dans ce monde changeant, appuyant la lâcheté de ces privilégiés déchus. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Sidonis 

 

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