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jeudi 17 novembre 2016

John Barry, dandy et maestro

Si au moment de sa disparition le 30 janvier 2011 il n’avait plus composé pour le cinéma depuis dix ans déjà et grandement limité ses apparitions publiques (notamment en France au festival de la musique de film d'Auxerre), la mort de John Barry avait constitué un choc pour le cinéphile. C’est ainsi tout un pan d’émotions, de souvenirs et d’images mémorables rattaché à ses partitions qui se ravivaient : Ce n’était pas seulement un des plus grands compositeurs de musique de films qui nous a quittés, mais un artiste majeur de la scène musicale des cinquante dernières années.

Barry l’icône du Swinging London

L’arrivée de John Barry dans le monde du cinéma est une petite révolution au début des années 60. Si les grands compositeurs de l’âge d’or hollywoodien (Miklos Rosza, Elmer Bernstein, Max Steiner…) surent s’adapter et intégrer des éléments des musiques en vogue à leurs bandes originales, ils étaient issu le plus souvent d’une formation classique rigoureuse. Féru de jazz grâce à son père, ayant pris goût à la musique par sa mère pianiste, il a appris la musique presque en autodidacte. Entre la trompette qu’il maîtrise seul durant son service militaire, les leçons qu’il suivit chez l’arrangeur de jazz Bill Rosso et les percutantes prestations de son groupe John Barry Seven, son parcours le rattache à une certaine musique populaire plutôt qu’aux grands maîtres du classique.


De populaire, il n’y un qu’un raccourci à effectuer pour définir ce que fut Barry durant les années 60 : une figure pop anglaise au même titre que les Beatles ou les Kinks. Vivant également une trépidante vie de rock star, cette aura lui vaudra cette une aussi désopilante que machiste Une de Newsweek sur son épouse d’alors (Jane Birkin encore très sage et rangée avant de le quitter pour Gainsbourg) : « John Barry, sa Jaguar Type E et sa femme Type E ». Au même titre qu’un Ennio Morricone à cette période, Barry introduit les instruments les plus modernes et inattendus dans la musique de film. Cette modernité se confond avec l’icône de l'époque : James Bond. En dépit de la frustration de ne pas s’être vu attribué le célèbre James Bond Theme (à l’origine de Monty Norman, mais c’est bien le tonitruant réarrangement de Barry qui le rend si marquant), il lui offrira certaines de ses partitions les plus novatrices. 

Le mélange des genres au service de la mélodie la plus pure, c’est la raison d’être de la pop sixties. Barry l’applique en introduisant sonorités nippones dans You Only Live Twice, les premiers synthétiseurs et de la guitare électrique dans On Her Majesty’s Service tout en mélangeant ses influences jazz à des élans plus grandiloquents dans Goldfinger ou Thunderball. Jeune, dans l’ère du temps et convoquant les plus grands artistes du moment sur les chansons écrites pour les Bond (Tom Jones pour Thunderball, Nancy Sinatra sur You Only Live twice…), Barry symbolise en grande partie la bande-son du Swinging London des années 60, dont il mettra en musique certains des films cultes comme Le Knack… et Comment l’avoir (1965).

Barry l’élégant romantique

John Barry est à lui seul le représentant d’une certaine forme d’élégance typiquement anglaise et de l’expression d’un romantisme exacerbé. Les arrangements de cordes sophistiquées et simples à la fois, la délicatesse et la répétitivité au service de la mélodie la plus pure auront plus d’une fois mis admirablement en valeur les images. Sa capacité à écrire des thèmes entêtants, Barry en aura usé sur des œuvres épiques comme Zulu (1963) ou La Vallée perdue (1971), aux atmosphères ténébreuses et martiales. C’est pourtant dans l’expression de la mélancolie et des sentiments contrariés qu’il dévoile toute sa majesté. We have all the time in the world (version instrumentale, comme celle chantée par Louis Armstrong dans Au service secret de Sa Majesté) est une des plus belles mélopées romantiques du cinéma, auxquelles on peut ajouter celle de La Rose et la flèche ou évidemment le John Dunbar Theme de Danse avec les loups


Les époques éloignées de ces films et la dimension de gestes courtois, noble et romanesque qui s’y attachent l’auront souvent inspiré, telle la partition oscarisée de Out of Africa (1985) le plus méconnu Quelque part dans le temps (1980) ou d’autres films historiques comme Un lion en hiver (1968) ou Marie Stuart Reine d’Ecosse (1971). Tout cela aboutira à un style très identifiable, souvent copié mais jamais égalé avec le même touché délicat. La descendance la plus marquante est d'ailleurs à chercher parmi les artistes pop comme Goldfrapp ou The Divine Comedy.



Barry le novateur

On aurait tort de réduire John Barry aux deux facettes précédemment citées, qui sont les plus identifiables. Il s’était montré capable de scores novateurs et en adéquation avec leur sujet dans La Poursuite impitoyable (1967), histoire de lynchage rural dans le Sud des USA que lui, le dandy anglais, noyait de guitares sèches, de sonorités traditionnelles et d’harmonica typique du cru. Macadam Cowboy (1969), avec ses ambiances urbaines et son urgence, se montrera tout aussi réussi. Barry saura également se remettre en question sur ses Bond des années 80 (il composera onze épisodes au total) en alliant des instruments modernes (boîtes à rythmes, synthétiseurs) à son brio orchestral sur A View To A kill ou The Living Daylight (où il offre un écrin splendide à des artistes aussi différents que Duran Duran, A-ha ou les Pretenders). 



La plus grande force de Barry est également de relever par la seule force de sa musique des métrages discutables (le très inégal Moonraker (1979)), voire médiocres (l’infâme remake de King Kong de 76), au point de se demander quelles images lui ont été montrées pour délivrer une musique d’une telle beauté. La disparition de John Barry suivait celle d’autres compositeurs légendaires durant les années 2000 (Basil Poledouris, Jerry Goldsmith..) et où seul John Williams (guère inspiré sur le dernier Star Wars) est encore bien vivant et actif. Barry représentait une touche, un savoir-faire, une identité anglaise et universelle qu’on retrouve encore chez les compositeurs actuels les plus doués (Alexandre Desplat, Michael Giacchino...).

3 commentaires:

  1. Excellent article, merci Justin! On pourrait limiter John Barry à ses compositions lyriques et épiques, mais ce serait oublier l'incroyable oreille et inoubliable score qu'il apportait à tellement de films qui ne seraient pas les mêmes sans lui! Qu'est ce qui t'a donné envie d'écrire cet article? Tu devrais aussi le faire pour d'autres compositeurs, j'ai l'impression qu'il y a une réhabilitation du statut de compositeur de musique de film comparés aux scores d'aujourd'hui qui n'ont pas vraiment de partition mémorable dans le cinéma grand public américain.

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  2. Il y a une bonne compil des ses scores et autres, "The Best Of The EMI Years"; c'était aussi un super compositeur de jazz, voir la B.O de "The Ipcress File", géniale et atmosphérique (trompette en écho)...
    Quand aux thèmes de Bond, j'ai un faible pour celui de "Diamonds Are Forever" chanté par Shirley.

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  3. @ Stéphanie en fait c'est un texte que j'avais écris au moment de sa mort mais que finalement je n'avais pas publié sur le blog, quelques années plus tard et après remaniement le voilà enfin ^^ Sinon oui j'essaierai de temps en temps d'élargir un peu sur la musique de film, je l'avais déjà fais pour Joe Hisaishi et ses composition pour Miyazaki ici

    http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2014/01/hayao-miyazaki-et-joe-hisaishi.html

    @ Catherine et oui je n'en ai pas parlé mais la BO de The Ipcress File est aussi une de mes préférée de lui.


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