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dimanche 14 août 2016

La Femme du dimanche - La Donna della Domenica, Luigi Comencini (1975)

A Turin, l'architecte Garrone est brutalement assassiné. Les soupçons du commissaire Santamaria, officier méridional chargé de l'enquête, se reportent dans un premier temps sur la séduisante Anna Carla, auteur d'une lettre où elle disait vouloir tuer Garrone.

Luigi Comencini offre une réjouissante et cinglante comédie policière avec La Femme du dimanche, renouant avec un genre qui lui plus familier qu’on ne le pense. Comencini aura abordé le polar à ses débuts avec La Traite des blanches (1952) dans une veine sérieuse et surtout déjà dans un croisement à la comédie avec l’excellent Le Commissaire (1962). L’élément de comédie y était amené par le policier maladroit incarné par Alberto Sordi qui s’y trouvait partagé entre son ambition personnelle et sa conscience, les deux s’opposant lorsqu’une possible promotion tiendrait à la condamnation d’un innocent. Vrai polar teinté d’humour, Le Commissaire dévoilait avec brio et intelligence sa critique féroce du dysfonctionnement de la justice italienne.

La Femme du dimanche creuse le même sillon mais adopte un ton bien différent, marqué le désenchantement qui marque la comédie italienne des 70’s. Le Commissaire dans une construction habile révélait subtilement son message social, les révélations constituant une rupture et une surprise quant à la faillite des institutions. La Femme du dimanche dévoile les failles et la monstruosité de la société italienne sans le mystère de son prédécesseur, la rendant explicite jusque dans la caractérisation de sa victime. Comme dans tout bon récit criminel, divers personnages ont des motifs légitimes de vouloir la mort de l’architecte Garrone (Claudio Gora) mais parallèlement il nous est présenté comme un répugnant goujat libidineux. Il annonce ainsi le regard corrosif qu’adoptera Comencini sur cette bourgeoisie turinoise à travers les différents suspects.

Le duo de scénaristes légendaires de la comédie italienne Age et Scarpelli déjà auteur du script du Commissaire (et qui adaptent ici un roman de Carlo Fruttero et Franco Lucentini, fameux pamphlétaires de la presse satirique italienne) s’avèrent donc plus frontal ici. Si leur culpabilité criminelle reste à résoudre au cours du récit, celle plus morale et hypocrite est dépeinte avec force. Vieux garçon de bonne famille cachant son homosexualité avec Jean-Louis Trintignant, femme d’industrielle oisive (le titre étant ironique sur l'occupation passagère que constituera l'enquête) et méprisante avec une étincelante Jacqueline Bisset, quand ce n’est pas l’honorable et austère ville de Turin qui révèle son envers plus douteux : champs rural révélant un espace de rencontre homosexuelle, le marché de Balon où va avoir lieu un second crime… Les institutions en prennent pour leur grade également avec des officiers de police incompétents, et leur dirigeant assujetti à l’opinion et aux nantis.

Sa bienveillance, Comencini l’accorde à ceux qui apparaissent comme des parias dans cet environnement. Marcelo Mastroianni est pris de haut par l’ensemble des suspects, de par sa fonction subalterne bien mais également à cause de ses origines méridionales. Mastroianni est épatant en faux naïf qui voit et entend tout, capable de faire descendre de leur piédestal chaque interlocuteur d’une réplique bien sentie, toute la relation avec Jacqueline Bisset (et l’embryon de romance) et Jean-Louis Trintignant reposant là-dessus. Tout en charme et en malice, il est épatant de bout en bout. 

Le plus touchant sera cependant le jeune amant homosexuel joué par Aldo Reggiani, évitant la caricature (mais occasionnant quelques moments hilarants sur le rapport au mâle italien qui ne souhaite absolument pas être confondu à lui, notamment le policier qui le file), sensible et en quête d’affection au point de mener son enquête parallèle pour dédouaner son amant. C’est par eux que naît l’intérêt dramatique pour le récit qui, s’il est drôle et piquant de bout en bout manque de nous laisser à distance à faire feu de tout bois - à commencer par l’arme du crime, un immense phallus de marbre - d'autant que le réalisateur sait installer un eficace suspense par instant et lorgnant sur le giallo alors en vogue. Un Comencini agréable à défaut d’être grand et qui participera à la reconnaissance critique que connaît alors le réalisateur après un certain dédain (se souvenir de l’accueil honteux de L’Incompris à Cannes en 1966).

En salle

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