Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 19 décembre 2015

Caroline Chérie - Richard Pottier (1951)

Jeune aristocrate qui fête ses seize ans le 14 juillet 1789, Caroline de Bièvre va vivre péniblement la Révolution tout en cherchant à retrouver son premier amour : Gaston de Sallanches. Ballotée à droite et à gauche, chez les blancs et chez les bleus, Caroline doit souvent la vie à son physique avenant et à sa volupté naturelle.

Caroline Chérie fut un des plus grands succès du cinéma français des années 50 et le film qui fit de Martine Carol une véritable icône. Le film adapte le roman de Cecil Saint-Laurent (alias Jacques Laurent) et propose une vision de la Révolution Française tumultueuse et romanesque qui lorgne sur les fresques hollywoodiennes comme le Ambre (1947) d’Otto Preminger auquel on pense beaucoup. Nous y suivrons les pérégrinations de la jeune aristocrate Caroline de Bièvre (Martine Carol) justement ballotée au gré des soubresauts de cette Révolution. La voix off de Jean Debucourt dépeint le contexte et les évènements sur un ton tour à tour enjoué, ironique ou dramatique selon qu’il évoque la grande Histoire et ses détours inattendus ou le destin tumultueux de son héroïne. Richard Pottier peinera tout au long du film à donner une vision ample et une vrai fresque spectaculaire (les hauts faits de la Révolution se résument à des tableaux commenté par la voix off et les rares scènes d’actions sont assez laborieuses) tandis qu’il excelle à montrer les à-côtés plus grinçants de ces heures agitées. 

Tous cela se fera du point de vue de Caroline, indéfectiblement liée à la Révolution et ce dès l’ouverture lors de son anniversaire tombant le 14 juillet 1789, jour où elle rencontre également l’amour de sa vie Gaston de Sallanches. Le caractère capricieux de notre héroïne et sa distance par rapport aux grands évènements qui vont la rattraper se conjuguent ainsi à une sensualité, une présence charnelle manifeste lors du premier contact avec Gaston dans le grenier. A travers Caroline et ses aventures, le récit est narré essentiellement du point de vue des aristocrates et tous ce qui est associés à la Révolution est synonyme d’ennui ou de danger. 

Pour l’ennui, ce sera son époux Georges (Jacques Clancy) fortement engagé dans le processus politique mais terriblement rasoir pour l’immature Caroline et ne faisant pas le poids face à un Gaston de Sallanches vrai dandy romantique. Le début du film est assez laborieux jusqu’à ce que justement le danger devienne manifeste (avec arrestations sommaires en pagaille) et que Caroline soit en fuite à travers une France en proie à la délation. Le tour baigne dans un mélange d’ironie (porté par les excellents dialogues de Jean Anouilh) et de romanesque premier degré emmené par le beau score de Georges Auric, mais aussi certain personnage avec la pétillante Marie Dea au sort final tragique passant par l'image.

Martine Carol au départ craquante d’inconséquence frivole gagne en gravité au fil des déconvenues, subissant (le postier abusant d’elle) puis usant de ses charmes pour se sortir de tous les dangers. L’actrice impose une volupté naturelle de tous les instants et Richard Pottier ose un érotisme vénéneux, élégant (la silhouette nue de Caroline dans l’ombre de sa chambre) ou lascif (ce sein bien visible débordant du décolleté de Caroline) et en tout cas bien plus expressif que ce que pouvait proposer le cinéma hollywoodien (le Ambre de Preminger justement bien plus timide que le roman de Kathleen Windsor adapté). 

Jamais aussi bon que pour scruter l’alcôve, Pottier offre de superbes tableaux tour à tour intimes (les entrevues de Caroline et Gaston dans l’appartement), cinglant avec la noblesse emprisonnée au sein de la Conciergerie et où la reconstitution fait merveille notamment les costumes de Marie-Ange exposé des mois avant la sortie du film en guise de promotion. On pourrait penser à tort que le film prend le parti des aristocrates (surtout au vu du passif de Militant royaliste de Jacques Laurent) mais le récit s’équilibre finalement entre la vilénie des citoyens revanchards (les cruelles retrouvailles avec l’ancienne nourrice) et des nobles qui n’ont rien perdus de cette arrogance cause de leur pertes. 

L’attitude insultante puis déférente envers Caroline lorsqu’elle sera capturée par des nobles la prenant pour une paysanne est un moment assez cinglant (machisme et mépris des inférieurs conjugués) tout comme la lâcheté ordinaire servant les ambitions lors d’un autre rebondissement. Sans prétendre à un réalisme historique infaillible (les experts pointeront les nombreux raccourcis et incohérences) le film donne à voir certains faits méconnus et passionnants. On pense à la longue et oppressante séquence à la Pension Belhomme, faux hôpital et vrai refuge pour les nobles nantis fuyant la guillotine moyennant une onéreuse contribution. On bascule dans le vrai sordide avec des malheureuses contraintes d’être le jouet des plus riche pour poursuive le séjour et donne même un magnifique moment désespéré où Caroline s’offre sans le savoir à un amoureux transi goutant une dernière nuit avant l’échafaud. 

Le slogan du film « Dix amants, un seul amour » salue superbement le propos où les charmes de Caroline sont autant une arme que l’illustration de son tempérament passionné. Malgré ses défauts (notamment quelques longueurs l’ensemble dure 2h20 tout de même), Caroline Chérie est donc un film d’aventures enlevé et plaisant qui fera un triomphe à sa sortie, consacrant Martine Carole souvent associée par la suite aux adaptations de Cecil Saint-Laurent (la suite Un caprice de Caroline chérie (1953), Lucrèce Borgia de Christian-Jacque (1953) ou le classique Lola Montès (1955) de Max Ophüls).

Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Gaumont

Extrait


4 commentaires:

  1. très bon souvenir de Caroline Chérie, diffusé il y a quelques années sur France 2 à minuit. L'érotisme coquin de Martine Carol et le film enlevé m'ont beaucoup plue à l'époque! Encore un film que je vais ajouter à ma collection! J'ai fini l'Assassin habite au 21, et j'ai adoré!

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  2. Oui c'est autrement plus agréable et et réussi visuellement que les "Angélique" qu'on se coltine à chaque fête de fin d'année, on ne devrait pas y échapper d'ailleurs une fois de plus.

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  3. C'est clair, même si j'aime bien regarder les Angéliques pour le kitsch absolu. Je classerai Caroline Chérie du côté des mélos en costumes de Gainsborough! D'ailleurs, ton blog m'a redonné envie de revoir ces films. J4ai toujours pas fini mon coffret DVD Gainsborough!

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  4. Ah oui les Gainsborough c'est vraiment un régal pour le romanesque historique enlevé, un régal découvrir !

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