Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 13 août 2015

It Follows - David Robert Mitchell (2014)


Jay est une adolescente américaine vivant à Détroit. Après avoir fait l'amour dans une voiture, elle est chloroformée puis attachée à une chaise roulante par son petit ami Hugh. Alors qu'une femme aux intentions menaçantes apparaît au loin et se rapproche, Hugh explique qu'il est victime d'une étrange malédiction sexuellement transmissible par laquelle une créature multiforme cherche à détruire la dernière personne atteinte par cette malédiction. Hugh a donc transmis la malédiction à Jay, mais il sera de nouveau menacé si Jay est tuée par la créature.

David Robert Mitchell confirme là les espoirs placés en lui après son formidable premier film, la chronique adolescente The Myth of the American Sleepover (2010). On passe du rêve au cauchemar entre ce galop d’essai et It Follows, la même atmosphère cotonneuse, les héros adolescents et le cadre de la banlieue de Détroit servant cette fois un pur récit d’épouvante. S’inspirant d’un cauchemar d’enfance où y voyait la silhouette d’une créature inquiétante le suivre partout, Mitchell amène un postulat aussi novateur que glaçant à son récit. 

A la suite d’une relation sexuelle, une terrifiante malédiction se transmet, voyant la victime poursuivie par une entité adoptant différentes apparences humaines altérée et marchant indéfiniment vers elle jusqu’à la tuer dans d’atroces circonstances et remonter jusqu’à son partenaire pour une même sentence. C’est précisément la mésaventure que va connaitre Jay (Maika Monroe) lorsque son petit ami Hugh (Jake Weary) la « contamine » tout en lui donnant les règles pour échapper au monstre.

Le traitement de Mitchell diffère totalement du tout-venant horrifique actuel où avec pareil postulat, on pouvait s’attendre à une orgie sexuelle et un déchaînement de morts façon Destination Finale. Rien de tout cela ici où au contraire l’angoisse va naître de cette même tonalité suspendue vue dans The Myth of the American Sleepover. L’indécision et le doute de ces adolescent quant à leurs amours est ici remplacé ou du moins additionné à la terreur d’être rattrapé par la créature. Le réalisateur caractérise d’ailleurs à nouveau formidablement ses personnages dans leurs interrogations face à âge adulte (Jay et Paul échangeant sur leurs souvenirs d’enfances, Jay se réfugiant dans un jardin d’enfant après l’attaque de la chose), ce dernier représenté par cette sexualité qu’ils ne savent pas appréhender et se manifestant sous un jour surnaturel. Cela évite l'interprétation "moralisatrice" attendue même si l'analogie en la malédiction et les MST sera facile à faire.

D’ordinaire la peur au cinéma se ressent par des approches bien connues. La peur de ce qu’on ne voit pas, que ce soit l’obscurité où peuvent se tapirent des êtres/créatures innommables ou celles du hors-champs avec là aussi le danger se devinant où surgissant soudainement dans le cadre. Il y a aussi l’horreur plus graphique et direct où les visions explicites et abjectes peuvent nous glacer d’effroi. Mitchell conjuguent toutes ces peurs tout en en inventant une nouvelle. C’est ici au spectateur de chercher au fond du cadre si une silhouette menaçante ne s’avance pas, si ce figurant anonyme l’est vraiment et nous place ainsi dans le même état de paranoïa et d’anxiété que les personnages. Il est même assez parcimonieux en vrais moment horrifiques, l’angoisse latente créant l’essentiel du malaise inconsciemment ou concrètement durant les panoramiques nous incitant à "chercher" l'anomalie. Et quand l’horreur se manifeste concrètement, cela s’avère constamment dérangeant, notamment par les visages parfois bien connus des victimes qu’endosse l’entité (bien être attentif pour la toute dernière).

L’ensemble conserve cependant un vrai aspect ludique et on devine  l’hommage/influence de Scoodby Doo (y compris dans les looks des héros) dans la débrouillardise de nos héros menant l’enquête, cherchant à détourner la malédiction ou à confronter la « chose ». Cela participe aux romances déçues ou espérées de ces ados tout en teintant certaines situations d’une vraie ambiguïté. Désespérée, Jay hésite à se donner en pâture à trois garçons inconnus et une ellipse nous laisse dans le doute quant à sa décision (le scénario explicitant qu’elle y renonçait). 

Rien ne nous dit ainsi qu’elle ait cédé et soi de nouveau poursuivie à cause de la mort de ses partenaires ou qu’au contraire elle ait renoncée et maintenu la malédiction sur elle (ce qu’explicitait le scénario). On devinait déjà l’influence de John Carpenter dans son premier film et c’est d’autant plus vrai ici avec ce cinémascope magistral instaurant la peur (par une vision qu’on ne sait jamais si elle est subjective ou non) dans ce cadre pavillonnaire quelconque façon Halloween (1978) mais aussi le score synthétique hypnotique de Disasterpeace. On pense aussi à des influences plus classiques, le Jacques Tourneur de La Féline (1942) étant explicitement cité et très bien réapproprié lors du final à la piscine. Un des grands films fantastiques sorti ces dernières années, une date. 

Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Metropolitan 


4 commentaires:

  1. Je pense que le film ne tient pas ses promesses et même qu'il change de voie, notamment pour cette dernière séquence du piège autour de la piscine qui vient là pour donner une incarnation à cette chose qui ne devait pas se montrer, mais qui devait continuer de hanter les personnages... Quel dommage. L'intérêt résidait dans ces transmissions sans fin, sous peine de mourir, un peu comme il fallait montrer la vidéo dans Ring... J'imagine un film qui ne se termine pas, les personnages étant soumis à se transmettre le virus les uns aux autres, continuellement, la symbolique fait le reste... SandorK

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    1. Cela aurait été quand même très monotone (et pas beaucoup mieux qu'un Destination Finale) si le film n'avait été qu'une suite de transmission. Le final amène un aspect ludique et relance le suspense tout en maintenant sans doute la boucle de la malédiction avec cette fin ambiguë...

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  2. Je ne pensais pas à quelque chose qui s'appuie sur un modèle systématique tel que dans Destination Finale, mais quelque chose qui n'aurait pas de prise, un peu comme chez Lynch, qui ne s'incarne pas, qui reste là, dans les impressions à hanter le film. SandorK

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  3. Le côté "teen movie" exige sans doute ce côté un peu plus tangible pour relancer l'action et sans doute un peu trop concrétiser la menace. Malgré tout je ne trouve pas le film conventionnel même si bien référencé et cette menace flottante et indéfinie on la ressent tout de même dans la toute dernière image. En plus sobre je trouve que c'est dans l'esprit de la fin de "Les Griffes de la nuit" pour nous signifier plus ou moins que ce n'est pas terminé. Après j'espère qu'on va éviter les suites à répétitions qui vont déflorer le mystère...

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