Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

vendredi 5 juillet 2013

Le Cinéma de Julio Medem - Marie-Soledad Rodriguez (Collectif)


Cet ouvrage collectif dirigé par Marie-Soledad Rodriguez est à ce jour la seule étude française consacrée à l’œuvre de Julio Medem. Le livre paru dans un contexte plutôt favorable au début des années 2000 puisque le réalisateur venait de sortir ses deux films les plus populaires et salués par la critique française avec Les Amants du cercle polaire (1998) et Lucia et le sexe (2000). Cette reconnaissance permit même la sortie tardive en salle de son troisième film Tierra (1996) jusque-là inédit.

Le livre alterne l’étude d’une facette spécifique d’un film ou alors met en parallèle plusieurs œuvres autour d’une question particulière d’ordre esthétique ou thématique. On trouve notamment un point très intéressant car moins évident pour le spectateur français concernant le rapport à l’identité basque. Si Medem n’aura ouvertement abordé ses origines basques que dans son documentaire La Pelote basque : la peau contre la pierre (2004), le panorama de Marie-Soledad Rodriguez montre subtilement comment le rapport à la terre peut être conflictuel chez les personnages de Medem, constituant autant un refuge qu’une prison. Cela sera explicite dans l’inaugural Vacas (1992) avec son conflit familial situé dans un pays basque soufflant le chaud (le lien à la nature, les traditions rituelles ancestrales) et le froid dès que l’on touche à l’humain avec des personnages réduits à l’état de pantin reproduisant le cycle de la haine et de l’obscurantisme. Medem l’exprimera plus subtilement par la suite dans L’écureuil rouge (1993) avec son couple en fuite de tout ce qui constitue l’institution ou la vie « normale », l’auteur associant ce cadre originel au pays basque auquel on cherche à échapper.

Autre aspect remarquablement évoqué, la construction et la narration dans l’œuvre de Medem. Une étude comparative entre L’écureuil rouge et Les Amants du cercle polaire (1998) montre comment ces deux œuvres romantiques obéissent à des codes aussi étudiés qu’anticonformistes (le chapitrage, l’art de la répétition, l’alternance de point de vue dans Les Amants notamment) pour dépeindre cet amour. La comparaison avec le Nouveau Roman et sa déconstruction du récit classique est judicieuse tant Medem parvient à exprimer des émotions universelles par des chemins de traverse. Cette réflexion se poursuit dans le plus audacieux encore Lucia et le Sexe où les auteurs étudient l’enchevêtrement de trames complexe du film dont la compréhension et surtout les thèmes se dévoilent par un montage symétrique fait d’association d’idée et d’une vraie poésie. Même si le jargon peut être trop universitaire peut perdre parfois, les angles abordés sont toujours judicieux notamment cette passionnante étude  sur le mensonge et la négation du réel chez Medem, ses personnages toujours en fuite ou en quête d’identité en usant de manière diverses et variées selon les films. 

Vu que l’aura de Medem est quelque peu retombée en France depuis la parution de l’ouvrage (accueil mitigé pour Caotica Ana en 2010 et Room in Rome sorti directement en dvd) dont l’étude s’arrête à  La Pelote basque : la peau contre la pierre (2004), le long retour sur l’accueil critique de ses films est des plus parlant. Régulièrement défendu par les journaux « grand public » qui salue sa singularité même dans les films moins aboutis, Medem laisse bien plus circonspect les revues intellectuelles dont les Cahiers du Cinéma allergiques dès Vacas tandis que Positif enthousiaste pour le jeune cinéaste arty se détache quand il deviendra plus populaire et universel dans son approche (Lucia et le Sexe et Les Amants du Cercle Polaire).

Seul gros regret, le fait de ne pas traduire les textes issus des participants espagnols. Les non familiers à la langue de Cervantès passeront donc à côté de l’analyse de Vacas (dommage puisque c’est un des films les plus captivant de Medem en plus d’être celui le moins analysé par la critique française) et surtout de l’interview du réalisateur en fin d’ouvrage. Très intéressant néanmoins, à recommander aux amateurs de Medem et une initiative à saluer.

Paru aux Editions Presse de la Sorbonne

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire