Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 25 juillet 2011

L'Homme au complet gris - The Man in the Gray Flannel Suit, Nunnaly Johnson (1956)


Arrivant difficilement à joindre les deux bouts, Tom Rath, un employé new yorkais, postule à un poste plus lucratif mais à plus hautes responsabilités dans les relations publiques. Cependant, ce nouveau travail risque de l'éloigner de sa famille et de briser son couple, déjà fragilisé, comme ce fut le cas pour son nouveau patron, Ralph Hopkins, d'autant qu'il apprend l'existence d'un enfant illégitime qu'il a eu durant la guerre...

Un film très intéressant sur le contexte social des Etats-Unis des années 50 mais aussi sur l'évolution et le rôle de la figure masculine à l'aune des mutations de la décennies à venir. Certaines réflexions anticipent même beaucoup (sans l'égaler) le Strangers When We Meet de Richard Quine où on peut faire un parallèle des crises personnelles que traversent Kirk Douglas et Gregory Peck dans les deux oeuvres, même si chez Quine les problématiques regardent plus vers le futur que L'Homme au complet gris où elle sont très ancrées dans un contexte socio-économique d'après guerre. Nunnaly Johnson scénariste chevronné signe bien évidemment le script de ce qui est une de ses rares réalisation. Celui-ci est adapté du roman éponyme de Sloan Wilson , en grande partie autobiographique autant dans sa description du monde de l'entreprise (notamment son expérience en tant qu'assistant du directeur de la US National Citizen Commission for Public Schools) que dans son passé de soldat durant la Deuxième Guerre Mondiale.

On suit donc le destin de Tom Rath (Gregory Peck) modeste employé de bureau et père de famille qui se trouve à la croisée des chemins. Son épouse (Jennifer Jones) lui reproche sa passivité et son manque d'ambition qui force la famille a une existence précaire. Un échange très dur en début de film amorce une introspection de notre héros où l'on découvrira progressivement à quel point l'expérience de la guerre à changé l'homme qu'il était. Au détour de plusieurs flashback où ressurgissent les souvenirs enfouis on découvre ainsi certains des pires moment de l'existence de Rath (mise à mort cruelle pour survivre, pertes parfois terribles des compagnons d'armes) mais aussi des plus beaux comme un belle romance avec une italienne qui saura apaiser ses angoisses morbides.

L'occasion de changer de statut se présente enfin avec un important poste en relations publiques. Le récit met alors en parallèle l'ascension annoncée de Gregory Peck et le dur réveil de son patron Fredric March, self made man qui a tout sacrifié pour réussir mais qui avec l'âge comprend comme il a délaissé sa famille désormais disloquée. On a une vision assez glaciale de la course à la réussite en cours à l'époque, que ce soit au niveau domestique avec les attentes d'une Jennifer Jones aux ambitions pressantes ou dans l'entreprise où la franchise n'a plus cours au profit des obséquiosités et hypocrisie diverses pour se faire bien voir. Gregory Peck est comme souvent parfait en type normal poussé malgré lui à un destin qu'il ne convoite pas et le reflet de son futur renvoyé par Fredrich March est là pour le confirmer. Ce dernier en vieil homme perdant pied est formidable, dégageant autorité et fragilité à la fois avec ce personnage inspiré de Roy Larsen, patron de Sloan Wilson à Time Inc. Jennifer Jones apporte un vraie humanité et sensibilité à un personnage qui aurait facilement pu paraître détestable et hormis un de ses légendaires accès de furie le temps d'une scène (celle de la découverte de l'enfant illégitime et de l'infidélité de son époux) elle offre une interprétation nuancée et sobre pour ses retrouvailles avec Peck après le mythique Duel au soleil.

Le film est donc plutôt visionnaire dans son illustration des nouveaux maux affectant la cellule familiale (dont la tout puissante télévision hypnotisant les enfants qui n'échangent plus avec leur parents) et les efforts consentis par les acteurs déshumanisés de ce capitalisme qui empiète sur leur vie. L'interprétation et la toile de fond sont passionnants, la forme un peu moins.

Les flashback sont très réussis (notamment ceux plus guerriers, Johnson est le futur scénariste des Douze Salopards ou du Renard du désert auparavant) mais ce sont vraiment les acteurs (et aussi le très bon score de Bernard Herrman) et le script qui distinguent les moment intenses plutôt que la mise en scène transparente de Johnson. Cette retenue fonctionne formidablement par instants néanmoins comme lorsque Peck vaque sans un mot à ses occupation après avoir été verbalement rabaissé par son épouse. On se serait passé aussi de la sous-intrigue poussive sur l'héritage qui rallonge un film démesurément long (2h30 quand même) mais réellement digne d'intérêt. Une sorte d'ancêtre de la série Mad Men.

Sorti en dvd zone 2 français chez Fox

2 commentaires:

  1. Tout a fait d'accord avec cette analyse. Ce film est passionnant, bien qu'avec des longueurs. Flash-back très réussis, bien que difficilement intégrés dans le fil du récit.
    Merveilleuse interprétation des "anciens", Fredric March et (la toujours merveilleuse) Ann Harding...

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  2. Et Emma si vous ne l'avez jamais vu je recommande vivement sur des thèmes voisins "Les Liaisons Secrètes" de Richard Quine que je cite dans le texte et qui est tout aussi passionnant et encore plus réussi (même si penchant nettement lus sur le mélo). J'en parlais ici

    http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2010/10/les-liaisons-secretes-strangers-when-we.html

    "L'arrangement" de Kazan est un peu l'aboutissement de tout les films de cette période qui s'interrogeaient sur la place de la cellule familiale classique comme aussi "Derrière le miroir" de Nicolas Ray. Récemment on a eu des films intéressant aussi sur le thème comme "American Beauty" ou "Little Children" puis ancré avec des problèmes d'aujourd'hui.

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